Subarashii Asahi

II) g- L'ijime

 

L’Ijime est le terme qui désigne les brimades que subissent ceux qui sont exclus d’un groupe parce qu’ils sont différents et sont pris pour cible. Ce phénomène est très présent, aussi bien dans le milieu scolaire, professionnel ou dans la vie quotidienne. C’est le symptôme d’une société où l’individu ne peut exister qu’à travers l’appartenance d’un groupe: famille, quartier, école, entreprise… Cette situation est résumée par un célèbre proverbe japonais: "enfoncer le clou qui dépasse". Les brimades peuvent prendre plusieurs formes: harcèlements, rackets, sévices physiques, calomnies etc. C’est une cause très importante de suicide chez les jeunes ainsi que l’"Hikikomori" (qui est un enfermement, les personnes refusant de quitter leur chambre). L’institution scolaire ferme souvent les yeux en cas d’ijime et les victimes ont souvent trop honte pour chercher de l’aide. Il n’y a aucune structure pour aider ses victimes puisque les travailleurs sociaux et les psychologues sont très mal vus dans une société où il est important de garder la face. Malgré les difficultés à obtenir des chiffres fiables (l’école et l’administration marginalisant le phénomène), il semble possible de dire que l’ijime est une pratique répandue. 70 000 élèves étaient concernés en 1996 dont la moitié était des collégiens selon le ministère de l'Education, sous-entendant beaucoup plus. En 1994, sept suicides, des cas qui n’ont pu être dissimulés, sont rattachés au ijime par l’administration. Une enquête a été effectué sur 990 lycéens de terminale en mars 1995, selon laquelle 53% des interrogés ont été victimes d'ijime durant leur scolarité, 32% avouent eux-mêmes persécuter l’un des leurs et 77% déclarent avoir personnellement assisté à une séance d'ijime.

        Les "agresseurs" sont essentiellement des élèves sans problèmes, possédant une bonne situation familiale, qui décident de pratiquer l’ijime mais il y a aussi des personnes ayant déjà été victimes d’ijime. Pire encore, on a relevé que certains professeurs et directeurs d’écoles pratiquaient eux-mêmes l’ijime. Comme par exemple, un élève d’école primaire déjà brimé a dut jouer à un nouveau jeu inventé par ses camarades, baptisé "jeu de la cérémonie funèbre". L’enfant devait jouer le mort, toute la classe organisant la dite cérémonie. La raison pour laquelle cet incident fit la une des journaux est que le garçon persécuté s’est suicidé et que l’on sut que l’instituteur avait accepté de se joindre à cette macabre mascarade. Un autre exemple, "B", 14 ans, insulté et battu par ses camarades, tandis que ses chaussures disparaissent, que ses manuels scolaires sont retrouvés dans la poubelle, couverts d’injures telles que "tous le monde te déteste ici", "disparais", "meurs!". Sa mère alerte le professeur responsable de sa classe, sans succès. "B", pour avoir mêlé les adultes à cette histoire, voit les persécutions redoubler. Ils sont quinze à s’acharner sur lui. Par une journée de juillet 1994, six filles de sa classe tartinent sa table de margarine et répandent sur sa chaise de la poudre de craie et des punaises. "B" rentre chez lui après les cours et se pend dans sa chambre. Inscrit en avril dans l’établissement, il aura tenu bon 4 mois. Encore un exemple, en 1994, a été à l'origine d'un débat de société national. Kiyoteru, 13 ans, raconte dans son "testament" les maltraitances dont il était victime, avant de se pendre, le 27 Novembre. Persécuté depuis le CM2, Kiyoteru est victime de rackets, ses bourreaux lui enfonçant la tête dans la rivière en guise de menace: "Après cela, s'est regrettable mais j'ai obéit quoi qu'ils me disent." Plus de deux ans de brimades allant crescendo, de la bagarre au statut de porteur de sacs puis de "pourvoyeur de fonds pour les sorties après l'école". Volant de l'argent à ses parents, Kiyoteru, honteux, ne pouvait en parler à sa famille, mais il note scrupuleusement les sommes dérobées. "Constamment, j'étais leur larbin. En plus, ils m'ont aussi fait des choses dont j'ai trop honte pour parler": ces "choses" sont révélées par l'enquête qui suit son suicide : se mettre à quatre pattes comme un chien devant le supermarché local ou se masturber devant ses camarades…